La seule unite que connaisse la Confederation suisse au XVIIIe siecle est culturelle. Pour les Europeens d'alors, la Suisse represente un pays de fiers republicains vertueux, simples et moderes dans leurs richesses comme dans leurs vertus. Cette image de l'heureuse Helvetie sera une des sources d'inspiration pour la philosophie de Jean-Jacques Rousseau.
L'originalite de cet ouvrage est d'analyser en profondeur l'utopisme de la litterature suisse de l'epoque des Lumieres. La Nouvelle Heloise, roman publie par Jean-Jacques Rousseau en 1761, met en scene une petite communaute installee au pied des Alpes dont le mode de vie suit des valeurs republicaines. Cette histoire d'amour montre deux amants aux prises avec des passions qu'ils doivent juguler pour atteindre un mode de vie a la fois vertueux et civique. Le recit de Rousseau inspirera d'autres auteurs suisses qui developperont leurs propres idees de reformes grace a l'ecriture de romans sentimentaux.
Ainsi, le contact de la nature genererait chez le citoyen helvetique une activite patriotique et philanthropique (en valorisant l'agriculture, en aidant les paysans et en se perfectionnant moralement). Dans la deuxieme moitie du XVIIIe siecle, la campagne devient alors le locus amoenus ou se deroulait la regeneration morale.Le citoyen vertueux, apres avoir forme son esprit et son corps au contact de cette nature idyllique, est appele a exercer une force reformatrice sur son environnement.
Parmi ces entrelacements ideologiques, et pour les plus rousseauistes des auteurs (comme Samuel Constant de Rebecque ou Jean-Pierre Berenger), s'esquisse l'ideal republicain d'une democratie agricole, parsemee de petites communautes Rurales de citoyens-agriculteurs oeuvrant a l'erection d'une societe plus juste et equitable. Cette etude porte sur l'histoire de cette utopie inaboutie qui a forge l'imaginaire national suisse et qui continue aujourd'hui encore a hanter les projets d'avenir de ce pays.